Web coopératif

C'est la génération d'outils web qui émerge actuellement.

L'appellation académique est "Web3", mais il me paraît plus utile de l'appeler "web coopératif", car c'est bien la coopération qu'il libère.

Voyons quels sont ses piliers.

Logiciel libre (open source)

Cette philosophie de création systématise la transparence et le partage libre.

L'open source est lui-même un ingrédient clé d'Internet.

Concrètement, ça veut dire que les créations sont documentées pour pouvoir être comprises, reproduites, et même modifiées sans limite.

Ça se prête particulièrement bien aux programmes informatiques, puisqu’il suffit de rendre leur code source public.

Décentralisation

C'est une idée parfois un peu difficile à rendre claire, car nous sommes habitués à un niveau de centralisation assez extrême : banque centrale, GAFAM, politique agricole commune, etc.

Cette centralisation crée généralement une grande efficacité; c'est donc l'approche dominante dans l'économie de croissance, dont la logique est d’augmenter production et consommation.

Le prix à payer est une faible robustesse : ces systèmes sont fragiles, et capotent régulièrement. Là encore, nous y sommes tellement habitués qu’on ne le perçoit plus clairement.

Pourtant, un système robuste ne provoque pas de crises monétaires à répétition (banque centrale), d'abus dans la gestion de la confidentialité des données (GAFAM), ou de choix de pratiques culturales qui détruisent la fertilité des sols (politique agricole commune).

Dans le web coopératif, tout est décentralisé - donc robuste - par conception :

Au lieu d'une entité unique qui fournit un service informatique (comme Meta, Google, ou Amazon), des possesseurs de matériel informatique installent librement des services du web3 et les connectent à Internet.

Ils joignent ainsi un réseau multi-acteurs, fournissant un service plus robuste. L'ensemble est peu sensible aux effets de monopole tels que la censure, le verrouillage des prix, les contenus imposés (publicité), ou la restriction des monnaies acceptées.

Blockchain

La blockchain est une méthode de stockage des données de manière décentralisée, non modifiable, ni effaçable.

Ce qui est écrit dans la blockchain y reste. Lorsqu’il faut adapter le système ou corriger un imprévu, on y ajoute simplement un correctif : l’historique, lui, reste intact..

C'est une façon un peu différente de penser, où l'erreur est plutôt vue comme un apprentissage.

Encore une fois, venant d'une culture ultra-compétitive, ce mode de fonctionnement peut dérouter..

Pourtant, redonner plus de place à la coopération, et moins à la compétition, renforce l’impact positif du processus créatif. Le mouvement open source en témoigne déjà depuis plusieurs décennies.

Les talents individuels se manifestent bien mieux dans ce contexte plus équilibré.

Question innovation, la tendance devient :

Cela peut sembler contre-intuitif, mais la blockchain offre aussi un contrôle total sur la confidentialité : la combinaison des dernières techniques de cryptographie et de la blockchain permet une "confidentialité programmable".

Une donnée cryptée dans une blockchain peut être visitée uniquement dans les conditions définies par le créateur de cette donnée.

Par exemple, des données médicales seront accessibles à la personne qui concerne ces données, à ses médecins dans le cadre de son traitement, et à des chercheurs dans une version anonymisée pour étude statistique.

Modèle économique démocratique

Cette version du web vient avec son modèle économique. Les jetons numériques rendent possibles des échanges programmables orientés vers un objectif précis..

N'importe qui peut créer et émettre un ou plusieurs jetons, et, sauf programmation contraire, ils seront échangeables avec les autres.

Aujourd'hui, dans l'économie de croissance, ce sont les banques qui créent l'argent là où elles le décident. Elles choisissent donc ce qui est financé, et façonnent l'activité humaine.

Dans le web coopératif, les jetons les plus utilisés prennent de la valeur par rapport à tous les autres jetons.

Imaginez : des jetons à vocation sociale, culturelle, écologique, ou alimentation locale, etc. Et le simple fait de les utiliser et de les échanger leur donne de la valeur.

Ce degré de choix démocratique est impossible dans l'économie de croissance, et par extension dans le Web des GAFAM (ou web2).

Organisations autonomes décentralisées

C'est un nom un peu complexe pour désigner les coopératives numériques qui s'affranchissent des limites de l'économie de croissance.

Appelons-les DAO, abréviation anglophone de "decentralized autonomous organization".

C'est un sujet riche, qui a sa propre description dans le glossaire de ce site web.

Dans le cadre plus large du web coopératif, les DAO et les jetons numériques permettent de repenser toute activité humaine dans son essence et d’en tirer des indicateurs de réussite sous forme de jetons.

C’est une nouvelle manière de gérer collectivement, qui brouille les frontières entre :

• entreprises et associations ;

• propriété, co-propriété, intendance ("stewardship") ;

• marchand et non-marchand ;

• utilisateurs, investisseurs et acteurs;

Résumé

Le web coopératif, ou Web3, émerge dans le sillage du web des GAFAM, ou Web2.

Il redonne à la coopération à sa juste place, aux côtés de la compétition.

Tout ça grâce à une transparence radicale et gratuite, héritée du mouvement open source, et mise en oeuvre par la blockchain.

Comme le disait Bernard Lietaer :

"Une démocratie politique sans démocratie monétaire, ça ne marche pas."

Le web coopératif, avec ses jetons numériques libres, apporte une réponse magistrale à cette réflexion.

Il n'y a qu'un pas à franchir pour imaginer un monde où des collectifs libres et transparents œuvrent au sein d'organisations autonomes décentralisées, dans l'intérêt commun, soutenus par des citoyens utilisant leurs jetons numériques.