Vers la première DAO du vivant : un collectif libre et incorruptible
- Bertrand Larsy
- 3 mars 2024
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 oct.
La vision dans laquelle je m'inscris avec "Confiance en Nous" est celle de la régénération du vivant.
À plus court terme, j'aimerais rejoindre un collectif qui œuvre dans cette direction, et lui donner les super-pouvoirs du web coopératif :
autofinancement et incorruptibilité.
Ce nouveau type de collectif s'appelle une organisation autonome décentralisée - ou DAO.
Il utilise des programmes open source exécutés sur des blockchains pour appliquer les décisions prises collectivement.
Il a un portefeuille commun, qui contient des jetons numériques.
La plupart du temps, ce sont des stablecoins (des euros numérisés, par exemple), mais il peut détenir toute sortes d'autres jetons, comme des cryptomonnaies.
Il est simple de mettre des jetons sur ce portefeuille commun - appelé "le trésor", il suffit de les y transférer.
Par contre, pour en sortir des jetons, une proposition de transfert de jetons doit être votée par les membres de la DAO.
Ceci est le principe général. Pour plus d'efficacité, beaucoup de DAO plus grandes votent des budgets pour des rôles déterminés : responsable achats, gestionnaire des assurances, exécuteur de paiements récurrents, ...
Ces budgets sont alloués à des portefeuilles spécifiques, gérés directement par les personnes qui assument ces rôles.

Voyons maintenant les innovations des DAO.
Incorruptible
Le caractère intègre des DAO vient d'une innovation informatique liée à la blockchain : le contrat intelligent. C'est un programme open source qui s'exécute sur une blockchain. Il hérite de la transparence et de la non-modifiabilité de la blockchain.
Ça peut paraître compliqué au premier abord, mais pour nous, les humains normaux, c'est un site internet avec du texte, des images et des boutons 🙂
Les DAO votent des budgets grâce à des propositions créées sur un contrat intelligent, et permettant à ses membres de voter ces propositions.
Il existe plusieurs modèles de fonctionnement.
Beaucoup accordent systématiquement une “période de grâce” entre le moment où une proposition est acceptée et celui où elle est exécutée.
Ce délai permet aux membres mécontents de reprendre leurs billes avant que la proposition s’applique.
Ce droit de partir incite à rechercher la cohésion et rassure chacun quant au respect de sa liberté.
Tout cela est mis en oeuvre automatiquement par le contrat intelligent de la DAO, et les pages web auxquelles les membres se connectent pour interagir avec.
Les propositions concernent bien plus que les mouvements de jetons. Elles peuvent aussi affecter :
Les paramètres de vote, tels que le pourcentage de votes "pour" qui déclenche l'adoption d'une proposition, le pourcentage maximum d'abstention, la durée de la "période de grâce", ...
L'acceptation de nouveaux membres - si la DAO n'est pas ouverte à tous
La mise à l'écart d'un membre, avec restitution automatique de ses apports personnels
La mise en route d'une phase d'un projet de la DAO selon des termes spécifiques, qui valide l'utilisation du budget qui lui est alloué. C'est un moyen puissant de s'assurer du soutien du collectif à mesure qu'avance le projet
...
Autofinancé
L'autre grosse innovation du Web3, ce sont les jetons numériques, gérés sur une blockchain.
Tout comme les contrats intelligents, tout le monde peut les voir, les utiliser, et bien sûr en créer des nouveaux.
C'est ce que font la plupart des DAO : créer un ou plusieurs jetons numériques pour toute une série d'utilités.
Exemples :
Une DAO qui gère un parc éolien peut générer - et vendre - des jetons donnant droit chacun à 1 kilowattheure d'électricité. Elle peut en vendre certains, et en donner d'autres à ses coopérateurs - qui peuvent éventuellement eux-mêmes les revendre s'ils ne les utilisent pas
Un massothérapeute en fin de formation peut émettre 100 jetons donnant droit à une séance de massage, à un prix un peu inférieur. Il peut ainsi financer l'aménagement de son cabinet de massage avec la somme récoltée
Un agriculteur peut vendre des petits morceaux de sa production de pommes de terre de la saison prochaine. Chaque jeton représente un millième de sa récolte, et est vendu à un prix qui lui permet une rémunération stable, même si la saison s'avérait mauvaise. Si la saison est bonne, les acheteurs auront plus de patate que prévu. Ici, l'agriculteur et les acheteurs se répartissent le risque inhérent à la culture
Une DAO à vocation de réduction des inégalités peut vendre des jetons qui donnent droit à un poids dans les votes de proposition. C'est utile pour donner un poids de décision plus représentatif à différents acteurs publics ou privés, et ce bien plus facilement qu'avec des assemblées générales d'ASBL. On appelle ça des jetons de gouvernance.
...
Remarquons qu'aucun de ces exemples n'est exceptionnellement novateur, c'est juste qu'on n'a pas besoin d'intermédiaire pour créer les jetons, notamment pour s'assurer des mouvements financiers.
Par exemple, le massothérapeute cité ci-dessus n'a pas besoin d'un intermédiaire de financement participatif : le "contrat intelligent" va s'assurer que l'argent est remboursé à chaque financeur si la somme minimale n'est pas atteinte à la date butoir.
Monde digital ✅ Monde physique ⏳️
Pour le moment, ce mode d'organisation est surtout connu dans des domaines numériques :
Audius, DAO autour du streaming de musique
Ethereum, Solana, autour des outils de développement de "contrats intelligents"
Helium, pour créer une couverture wifi mondiale grâce à des appareils domestiques
Une exception notable est Regen Network, DAO dédiée à l'émission, la destruction, et l'échange de certificats carbone fiables. Plusieurs gros exploitants agricoles ont déjà changé leurs pratiques de pâturage, et reçoivent des certificats carbone sur la blockchain Regen, car leur sol en capture.
Ce que je n'ai pas encore vu, ce sont des DAO à vocation locale, qui régénèrent le vivant - humain ou non.
Mon rêve est de participer à la création de cette DAO, ouvrant ainsi la voie à plein d'autres.
Et si ce n'est pas vraiment la toute première, ça compte quand même.
Pourquoi pas un collectif classique ?
Pourquoi ne pas le faire avec une ASBL ou une coopérative dans le système existant ?
Ça pourrait faire l'objet de plusieurs articles à soi tout seul, mais je vais tenter d'aller à l'essentiel.
Si tu veux régénérer le vivant, entre dans le système classique le plus tard possible.
Exposition immédiate au productivisme
Le fait de travailler ensemble au sein d'une organisation classique, nous expose dès le départ aux règles économiques du système existant.
Or, ces règles ne sont pas neutres, bien au contraire.
C'est l'angle mort du débat : le système existant est l'économie de croissance, et il n'est pas l'ami des collectifs qui visent la régénération du vivant.
Pour comprendre pourquoi : voir économie de croissance
Voir aussi :
Toujours pour résumer, ce système est fait pour propulser en avant des initiatives qui :
font produire et consommer plus
enrichissent des gens déjà riches
Si ton objectif est de régénérer le vivant, tu auras toutes les peines du monde à être financé dans ce système.
Concentration immédiate des pouvoirs
Une des premières infos que tu dois communiquer aux autorités pour créer une asbl ou une coopérative, c'est le nom des personnes qui la représentent légalement.
Quand ton collectif veut régénérer le vivant, tu dois donc — avant même de commencer — trouver au moins deux personnes prêtes à représenter légalement le groupe.
Et ce, alors que le collectif a peu de chances d’être financé (voir point précédent) et peu de chances d’être rentable dans l’économie dominante.
En admettant que tu trouves ces personnes, elles vont vite se rendre compte qu’elles concentrent sur elles-mêmes toutes les frictions avec le système classique.
Toute personne ayant déjà été active dans un collectif de ce type l’a vécu : beaucoup d’idées passent à la trappe, simplement parce que les administrateurs n’y sont pas favorables.
Ce n’est même pas de la mauvaise volonté — c’est une conséquence inévitable de ce type d’organisation.
Si tu as bien compris ce que j'ai expliqué plus haut sur les DAO, tu comprends maintenant qu'il y a maintenant des outils pour partager équitablement les risques parmi tous les membres de ces collectifs.
Conclusion
Les DAO sont les meilleurs leviers pour sortir de la logique de l’économie de croissance.
Elles permettent de créer des jetons numériques qui tirent leur valeur d’un vivant qui se renouvelle.
Les concepts abordés dans ce billet sont développés plus en détail dans la conférence de Confiance en Nous.



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